Encore dans la diversité, le Festival international de Dougga s’affirme en tant qu’une scène ouverte à tous les genres et trouve, dans une scène alternative, des sonorités nouvelles qui attirent un public frais, jeune et affranchi du meanstream.
La soirée du mardi fut un pur plaisir pour ceux qui ont fait le déplacement jusqu’à Dougga, la route est longue mais fort plaisante, l’aventure commence dès les premiers instants. Le chemin vers le nord-ouest est truffé de senteurs et de plaines verdoyantes. Bab L’Bluz et Selim et Nour Arjour ont assuré la soirée du mardi, un co-plateau harmonieux et une association fluide et subtile.
Deux concerts qui se complètent dans l’esprit pas forcément dans le style mais qui ont su former une dynamique et un échange avec le public.
La première partie fut assurée par le groupe marocain Bab L’Bluz avec sa magnifique chanteuse-auteure et compositrice-instrumentiste Yousra Mansour. Belle voix, du charme et du charisme, elle porte la scène et le public avec dans un rythme qui tape dans le sol pour rejoindre le ciel. Elle chante, elle joue, elle danse et fait des youyous, car cette artiste aime ce qu’elle fait, le vit pleinement et le montre sans retenue et cela se ressent chez un public totalement sous le charme. «Nos paroles visent à éveiller la conscience endormie d’individus endoctrinés par des propos racistes et qui considèrent certains humains comme supérieurs aux autres. C’est un appel à rechercher ce qui peut nous unir au lieu d’aller vers tout ce qui nous divise», s’exprime-t-elle. Car Bab L’bluz reprend le blues en Afrique du Nord, avec du rock et du gnaoua mais se consacre à transformer la société, à modifier les représentations du monde, de la femme, de l’autre en général. Il rejoint en cela le mouvement de jeunesse marocain nayda — une nouvelle vague d’artistes et de musiciens s’inspirant de l’héritage local, chantant des mots de liberté dans le dialecte marocoarabe de darija. Ancienne et actuelle, funky et rythmique, portée par des paroles en arabe, des voix qui montent en flèche et des grooves lourds, la musique de Bab L’Bluz semble pulser du cœur du Maghreb.
Créé à Marrakech en 2018, par Brice Bottin et Yousra Mansour, Bab L’Bluz est né du rêve de mettre en avant le guembri sur la scène musicale internationale, en confirmant que cet instrument, né en Afrique, est à l’origine du Blues.
Bab L’Bluz est un hommage aux racines inépuisables de la culture gnawa, résolument 70’s. Leur musique innovante mêle tradition musicale et rythmes plus actuels (Hassani, Rock, Blues, Gnawa, Funk, Chaa3bi). Bien que la pratique du guembri soit traditionnellement réservée aux maa3lems, maîtres de cérémonie gnaouis, Bab L’Bluz a développé une identité musicale originale. Le groupe est composé de musiciens qui, comme les Gnaouis, ont voyagé tout en instaurant un état d’esprit et un style résolument modernes, ouverts à la musique du monde.Bab L’Bluz s’est également inspiré de la musique Hasanniya ou de la musique maure traditionnelle, présente en Mauritanie et certains pays voisins, notamment dans le sud du Maroc. Il se caractérise notamment par sa poésie connue sous le nom de Tebraa, où les femmes chantent pour leurs amants des poèmes d’amour. Entre Gnawa, Rock, Funk et Blues, Bab L’Bluz réunit ces styles de différents continents, afin de créer un point de rencontre, s’engageant ainsi à chanter pour la paix, l’égalité et l’amour aux quatre coins du monde.
Puis vint le tour de Nour et Selim Arjoun. Et c’est toujours magique de les voir ensemble sur scène, ce duo gagne à chacun de ses passages. Nour au chant, son frère Selim au clavier, ils ont réussi à créer un public qui les suit, un répertoire qui leur ressemble et des chansons au goût de leur jeunesse révoltée, inquiète et en quête de soi.
Pour leurs chansons, ils alternent entre la machine qui donne un air de modernité et les instruments et sons réels pour une touche d’authenticité. Une musique travaillée, légèrement sophistiquée, soutenue par Marwan et Youssef Soltana avec un profond sens du détail. Chaque morceau impose son rythme, sa parole et son ton. Nour s’adresse à son public, elle échange avec lui, raconte des histoires et puis enchaîne avec un nouveau titre. Le public était là, présent avec ses émotions et son énergie. Il connaît les chansons par cœur, il réagit, chante et danse. Le plaisir le mène au bout de la nuit. Quand les artistes sont heureux, le public l’est encore plus.